16/03/2022

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L’Union Européenne et l’Ukraine doivent construire

la paix avec la Russie



En envoyant son armée envahir l’Ukraine, le président Poutine a choisi la guerre. Il porte l’entière responsabilité de cette terrible décision, dont, espérons, il devra rendre compte devant la justice. En engendrant la peur et la haine, cette guerre va inciter à la course aux armements et risque de déboucher sur la création d’un nouveau rideau de fer. Or, il ne faut pas céder à l’inéluctabilité de ce scénario et choisir une autre voie, la voie de la paix. Notre sidération et notre colère ne doivent pas altérer notre discernement, notamment en n’occultant pas les difficultés de la relation entre l’OTAN et la Russie depuis la fin de la guerre froide. Cest en faisant l’inventaire de cette période, et en souhaitant une véritable réconciliation, que l’UE pourra construire une paix durable avec la Russie. S’il ne suffit que d’une minute pour déclencher une guerre, il faut au contraire beaucoup de volonté politique et de temps pour construire la paix.


Pour bâtir cette paix, nous pouvons nous inspirer de la sagesse de nos grands-parents qui, après trois guerres avec l’Allemagne, ont souhaité construire la réconciliation franco-allemande, notamment en misant sur la jeunesse. Ainsi, vingt ans après la deuxième guerre mondiale, les échanges scolaires se sont multipliés entre français et allemands via l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ). Les manuels scolaires ont été modifiés des deux côtés pour porter cette « idéologie de la réconciliation » [1]. Sur le plan économique la coopération a été aussi renforcée avec, en 1951, la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA), puis, en 1957, avec la création de la Communauté Économique Européenne (CEE). Au niveau des média, une chaîne franco-allemande a été créée en 1991, Arte.


La réconciliation franco-allemande a été exemplaire. C’est sur ce modèle que l’Union Européenne et l’Ukraine doivent construire la paix avec la Russie.


L’Union Européenne doit d’abord garantir les droits des minorités russophones dans les ex-républiques soviétiques. La reconnaissance de la langue russe comme langue officielle de l’union serait un geste fort. Les manuels scolaires doivent aussi être révisés, de part et d’autres, pour porter le message de réconciliation, sans trop se focaliser sur le passé. Et, quand la situation le permettra, les échanges scolaires devront se multiplier entre les pays frontaliers et la Russie. De même, les échanges culturels devront aussi se renforcer significativement.


Ensuite, il serait intéressant de créer une instance pour trancher les litiges entre la Russie et les États de l’union. Chacune des parties pourraient déposer des plaintes et des commissions paritaires permettraient de travailler à l’élaboration de solutions.


Enfin, il faudra réaliser un traité de paix entre l’UE, l’Ukraine et la Russie. La base de ce traité pourrait être une certaine neutralité de l’Ukraine (pas d’intégration à l’OTAN) avec des moyens fiables pour garantir l’intégrité du territoire (par exemple, condamnation automatique du conseil de sécurité de l’ONU en cas d’invasion). Il faudrait aussi prévoir l’intégration de l’Ukraine à l’Union Européenne, et une démilitarisation de la frontière entre l’UE et la Russie sur plusieurs centaines de kilomètres. Par ailleurs, un processus politique doit être démar en Ukraine pour résoudre le problème des régions autonomistes. Ce processus aboutira à l’élaboration de plusieurs solutions qui seront départagées en consultant les populations concernées par référendum.

Il est bien sûr évident que tant que le président Poutine sera au pouvoir la construction de la paix ne sera pas aisée. Néanmoins, rien n’empêche de commencer ce travail de réconciliation, en s’appuyant sur les personnes volontaires (ambassadeurs, membres du gouvernement, société civile, ...). En construisant la feuille de route de la paix, l’UE affaiblira d’autant plus la doctrine victimiste et paranoïaque de Poutine.


Les pays de l’Union Européenne pensaient que la colossale puissance militaire des États-Unis était suffisante pour dissuader toute volonté de guerre sur le continent. Or ce postulat vole en éclat avec l’attaque de Poutine. Plutôt que de se lancer dans une course à l’armement et alimenter un nouveau rideau de fer, souhaitons que l’Europe choisisse une autre voie, la voie de la réconciliation.


[1] https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2013-2-page-18.htm