Editorial



Postulat de départ

Nous partons du postulat suivant : « un monde où chacun puisse prétendre à une vie épanouissante avec un confort matériel relativement aisé est possible ».

Il nous reste donc « juste » à le bâtir.

Principes

L’objectif central de notre démarche consiste à tendre vers une société où tous les citoyens puissent vivre dignement.

Derrière ce principe nous rattachons les aspirations suivantes :

• vivre librement et paisiblement, dans un environnement sanitaire sain et respectueux de l’environnement ;

• atteindre un bon niveau d’éducation dans un milieu culturel fort ;

• posséder un travail dans des conditions décentes, qui permette d’assurer les besoins matériels sans assistance ;

• avoir du temps pour s’épanouir dans des activités extra-professionnelles (famille, sport, art, culture) ;

• bénéficier de systèmes mutualistes pour les aléas de la vie (maladies, catastrophes naturelles, chômage, handicaps, ...) ;

• bénéficier de la solidarité intergénérationnelle (éducation, retraite).

Méthode

Notre méthode consiste à nous attaquer directement aux causes des problèmes, plutôt qu’aux multiples conséquences. Actuellement, à notre sens, les deux principales causes des maux, rencontrés dans nos sociétés, proviennent de l’économie de marché et, dans une moindre mesure, du manque de confiance et d’autonomie accordées aux citoyens.

Pour bien comprendre les conséquences induites par l’acceptation de l’économie de marché, quelques explications sont nécessaires. Accepter l’économie de marché, c’est accepter une régulation par la loi de l’offre et de la demande. Ainsi pour les marchés déséquilibrés par une offre insuffisante, c’est accepter que les plus fortunés puissent décider de la répartition1.

Partant de ce constat, il est bien sûr possible de réaliser des politiques d’ajustement qui tentent de contenir les effets pervers de ce système. Néanmoins, si ces politiques peuvent être efficaces dans un système relativement fermé, elles deviennent inopérantes dans un contexte globalisé. C’est à notre sens la principale explication de la crise actuelle rencontrée par la social-démocratie (ou économie sociale de marché) confrontée à la réalité de la mondialisation des économies. Ce déclin du welfare state a mécaniquement augmenté l’angoisse des citoyens, qui a ensuite renforcé la peur de l’Autre, pour se traduire au final par un regain de nationalisme.

Notre opposition à l’économie de marché n’est pas dogmatique, et nous prenons acte que ce système est assez efficace, dans le domaine économique, quand les marchés sont équilibrés. Néanmoins, pour les marchés saturés par l’offre, la gestion de la répartition est mal assurée ; quant aux marchés saturés par la demande, l’organisation de la répartition devient profondément scandaleuse. Ce système pose aussi des problèmes en dehors de la sphère économique, comme nous le verrons plus loin.

Pour dépasser l’économie de marché, dont les échecs apparaissent aujourd’hui au grand jour, nous proposons la mise en place d’un autre système, baptisé économie citoyenne.

Ainsi, contrairement à l’économie de marché, qui demande aux citoyens d’agir uniquement en fonction de leurs intérêts privés, et contrairement à l’économie d’État, où les citoyens délèguent leurs responsabilités au bon vouloir de représentants, l’économie citoyenne laisse l’autonomie d’action au citoyen, mais en lui demandant d’agir avec éthique. Dissipons tout malentendu, l’objectif n’est pas la mise en place d’un système moraliste, avec un code moral universel, où les « mauvais » citoyens seraient exécutés sur la place publique de l’Intégrité – la complexité psychologique des êtres humains et ses évolutions en fonction du temps ne peuvent nous amener qu’à la retenue sur le jugement des comportements. De plus cette approche serait stérile, liberticide et contraire à nos principes. L’objectif n’est donc pas de juger du caractère « bon » ou « mauvais » des comportements, mais juste d’inviter le citoyen à la réflexion sur ses actions. Le simple fait de se poser des questions, permet mécaniquement de changer de référentiel et de rentrer dans un cercle vertueux.

Ainsi, le fonctionnement de la société n’est plus la résultante d’une volonté oligarchique ou d’une somme de volontés égoïstes, mais devient la résultante d’une somme de comportements, initiée par une volonté égoïste, puis édulcorée par une éthique non dogmatique. Ce coefficient d’adoucissement, qui serait nul dans une société entièrement plongée dans l’économie de marché, tendrait vers 100 dans une société pleinement citoyenne. Néanmoins, ce fonctionnement ne garantirait pas un système parfait, dans la mesure où l’application d’une éthique non dogmatique, ne permet pas de garantir les meilleurs choix, en supposant qu’ils existent toujours. L’imperfection est une caractéristique intrinsèque de l’humanité, dont il faut s’accommoder.

Le lien entre économie de marché et économie citoyenne apparaît ici, la société d’économie de marché étant une société citoyenne avec un coefficient d’adoucissement à zéro. Ainsi, l’explication de l’incroyable longévité du système d’économie de marché, provient du fait que de nombreux citoyens agissent dans ce système avec un coefficient d’adoucissement élevé. Le renforcement de la colonisation idéologique de l’économie de marché dans les comportements des citoyens, pendant les dernières décennies, a réduit le coefficient d’adoucissement global, ce qui a conduit le système à sa faillite ; la société d’économie de marché étant humainement non viable et économiquement chaotique.

L’application de l’économie citoyenne dans une société se traduit par un retour du Politique, au sens antique du terme, c’est-à-dire qui intègre l’idée de dialectique, en opposition au sens moderne, qui s’apparente plus à une farce, à un mauvais vaudeville, où le mélange de narcissisme, mégalomanie, démagogie et populisme génère des scories nauséabondes, qui agressent l’intellect des citoyens.

Les différentes solutions, présentées dans les chapitres suivants, découlent principalement de ce retour du Politique, que l’on peut qualifier de non dogmatique et décentralisateur.

1) D'après la théorie classique il faut satisfaire les trois condition suivantes pour qu'un marché atteigne l'équilibre :

- les producteurs doivent être indépendants,

- un nouveau producteur doit pouvoir se positionner à tout moment sans entrave,

- les acheteurs doivent être parfaitement informés sur les différents produits.