20/06/2015

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La mondialisation néolibérale détruit l'économie


Huit ans après le début de la grande grise, la croissance mondiale reste atone. En effet, malgré une très légère embellie, les indicateurs économiques des États-Unis restent décevants, l'Europe fait du surplace, la croissance chinoise a été divisée par deux et les autres pays émergents se retrouvent aussi à la peine. Les économistes se déchirent pour expliquer ces faibles performances. Et si, tout simplement, la large victoire du capitalisme était la cause de ce marasme ?


La mondialisation néolibérale, initiée dans les années 80, a donné un avantage décisif au capital sur le travail. L'hypermobilité des capitaux permet une concurrence directe, d'une part, entre les différents citoyens de la planète pour trouver du travail, et, d'autre part, entre les États pour trouver des financements. Ce mouvement tend à réduire les taxes sur le capital et à diminuer le coût de la main d’œuvre. En effet, pour s'intégrer dans la mondialisation les pays doivent être attractif, en se lançant dans des programmes de compétitivité. Il s'agit donc de réaliser une politique de l'offre – baisse du coût du travail et diminution des taxes sur le capital – car toute politique orientée vers la demande est sanctionnée par un déficit commercial et des délocalisations. Les syndicats, pris en étau, finissent par accepter des mesures de régressions sociales pour préserver l'emploi.

Cet ajustement permet d'assurer quelques années de croissance – en dérobant for égoïstement la demande extérieure – jusqu'au moment où les autres pays, mis en difficulté par ces politiques, se retrouvent contraints d'appliquer des réformes similaires. Il faut alors refaire un nouveau plan d'ajustement et la planète entre alors dans une spirale qui tend, lentement mais sûrement, à rendre le capital hyperpuissant au profit d'une caste d'ultra riche et aux détriments des États endettés et des travailleurs précarisés – les bénéfices de la politique de l'offre étant pratiquement entièrement absorbés par le capital.

Ainsi, pour ne citer que quelques chiffres, en France la part des salaires dans la valeur ajoutée a été réduite de 11 point par rapport aux années 70, il est possible de travailler pour moins de deux Euro de l'heure en Allemagne, le Royaume Uni a inventé le contrat zéro heure qui permet de garantir à l'employeur la présence de l'employé en cas de besoin, et dans l'intervalle 2010-2013 les 1 % les plus riches des Etats-Unis ont capté 95 % des hausses de revenus. Du coté des États, la dette totale des pays de l'OCDE dépasse 75 % du PIB en 2014, alors que le rôle social des États est largement en recul.

Ce cercle vicieux a quand même une limite car, pour être efficace, les politiques de l'offre supposent qu'il y ait une demande extérieure exploitable. Or, quand les États ont appliqué tour à tour ces politiques pendants plusieurs décennies, la demande s'effondre, les bulles éclatent, les entreprises et les banques font faillites, toute l'économie est réinitialisée dans une grande violence. C'est ce point qui a été atteint au début de la grande crise. Néanmoins, pour éviter un effondrement de l'économie, les États, aider par les banques centrales, ont nationalisé les pertes des banques. La réinitialisation violente a donc été évitée mais les États, toujours plus endettés, ont continué les politiques de compétitivité. Ainsi la dette mondiale, tout acteur confondu, dépasse aujourd'hui 280 % du PIB mondial. Un tel niveau semble difficilement supportable. La cause structurelle de la crise n'est donc toujours pas résolue, nous sommes toujours en déficit de demande. Si l'augmentation du pouvoir d'achat, liée à la baisse du pétrole, permet de retrouver une légère embellie, la concentration du capital se poursuit, et la réinitialisation violente du capital, en l'état actuel, est juste différée et non annulée.


Comment sortir de cette impasse ?


Une première solution consisterait à opposer au capital mondialisé une opposition mondialisée. Cette opposition pourrait être portée par les États, via l'ONU, ou par les syndicats, rassemblés sur un socle de revendications communes et capables de faire pression via une grève générale mondiale. Dans les deux cas l'objectif reste le même : la mise en place d'une politique mondiale en faveur de la demande, comme par exemple la création d'un salaire minimum mondial (au moins en PPA1) et d'un impôt mondial sur le patrimoine. Malheureusement, la réalité actuelle de confédération syndicale mondiale, les atteintes aux droits syndicaux dans de nombreux pays et les divergences entre les États rendent cette solution assez utopique.

Une seconde solution consisterait à s'extraire suffisamment de la mondialisation pour se retrouver en capacité de relancer une politique de l'offre efficace, c'est à dire non génératrice de déficit commercial. Il s'agit, dans ce cas, de trouver le consensus social pour que les classes qui profitent de la mondialisation acceptent de perdre en pouvoir d'achat au profit des classes sociales pénalisées par la mondialisation. Or, les élites, très majoritairement mondialisées, seront peu enclines à s’orienter dans cette direction, d'autant plus que les classes sociales défavorisées votent en proportion beaucoup moins que les classes sociales aisées. Il faut aussi compter sur les nombreux retraités détenteur de capital qui accepteront difficilement de voir leur patrimoine rongé et, pour les pays membres de l'union Européenne, cette solution impliquerait une renégociation des traités. Il n'y a donc plus que les partis populistes et nationalistes qui pourraient être en capacité de prendre le pouvoir sur cette alternative. En l'état actuel des forces politiques, cette solution semble donc bien trop risquée pour être tentée.

Enfin, une troisième solution consisterait à agir pour une relance de la demande, savamment dosée, tout en restant dans la mondialisation. Le but est ici de jouer sur la schizophrénie du capital, qui a besoin de ne pas trop étouffer les travailleurs pour perdurer, tout comme les loups qui ne peuvent survivre s'ils déciment tous les troupeaux de cervidés. Il s'agit donc de prendre tout un ensemble de mesures, qui, cumulées, permettront un rééquilibrage entre le capital et le travail. Deux axes directeurs doivent orienter ces mesures : taxer le capital et taxer le dumping social. Ainsi, à titre d'exemple, on peut imaginer les propositions suivantes2 :

  • renforcer l'ISF en rajoutant des tranches progressives jusqu'à 1 milliard d'Euro,

  • casser la bulle immobilière et foncière (affecter 50 % de la consommation d'énergie à la charge du propriétaire, plafonner le prix des terrains),

  • mettre en place de nouveaux types de livret pour financer les obligations d’État et les entreprises coopératives,

  • abolir les brevets,

  • combattre l'évasion fiscale,

  • taxer les importations en fonction des conditions de travail,

  • taxer les transactions financières,

  • séparer les banques de dépôts des banques d'affaires,

  • mettre en place un label fiable : « fabrication socialement juste ».

Comparée aux deux autres possibilités, cette solution semble la plus réaliste. Elle s'inscrit mieux dans le contexte historique d'intégration des États, et dans une certaine homogénéisation des revendications des citoyens, plus porter sur la coopération que sur la guerre de tous contre tous (le but de vie d'un Allemand n'est pas de mettre un Américain au chômage).



La forte croissance de la dette mondiale – près de 200 000 milliards de dollars, tout acteur confondu – illustre l'incroyable dynamique de capital pendant ces dernières décennies. Cette situation n'est même plus soutenable économiquement. Il devient urgent de décoloniser les esprits de la doxa libérale et que chacun agisse à son niveau pour inverser les politiques économiques. Sans ce rééquilibrage, la réinitialisation violente du capitalisme, avec toutes les conséquences induites, sera difficilement évitable.

1PPA : Parité de Pouvoir d'Achat

2Pour plus de précisions une liste de propositions thématiques allant dans ce sens est disponible sur http://mclams.free.fr/index.php?page_name=propositions.html