20/10/2018

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Macronisme et pétainisme : des similitudes troublantes



Rapprocher le macronisme, qui se présente comme le rempart contre l’extrême droite, avec le régime de Vichy peut paraître étrange. Pourtant, sans bien sûr confondre ces régimes, on constate des similitudes entre ces deux systèmes.



Première similitude, les deux dirigeants ont en commun un profond dégoût du fonctionnement de la France avant leur prise de pouvoir, combiné avec une fascination pour un système extérieur, à savoir l’Allemagne pour Philippe Pétain et les Etats-Unis pour Emmanuel Macron. Ils souhaitent tous les deux plaquer leur système de prédilection sur la France, pour en finir avec la rhétorique égalitariste et de lutte des classes qu’ils exècrent.


Un autre point de similitude concerne le culte de la personnalité. Le maréchal Pétain met en place un culte dédié à sa personne, dès le début du régime de Vichy. On retrouve un phénomène similaire dans le mandat d’Emmanuel Macron, placé sous un angle monarchique, dont la mise en scène le soir de la victoire illustre ce tropisme. Le pilier de l’idéologie du macronisme, centré sur le talent et la réussite personnel, est censé s’incarner via son président. Le parti porte ainsi les initiales de son créateur et les militants sont transformés en adeptes qui adhèrent plus à ce que représente la carrière de leur idole plutôt qu’aux idées du mouvement.


Autre similitude, ces deux systèmes ont émergé dans un moment d’extrême défiance envers les partis de gouvernement. Dans les deux cas on assiste à la reprise en main du pays par l’appareil d’État, avec l’arrivée des technocrates au pouvoir, pour pallier l’échec de la classe politique traditionnelle.


Autre ressemblance, dans ces deux systèmes on constate une hyper concentration des pouvoirs. Dans un cas c’est le parlement qui vote les pleins pouvoirs à Philippe Pétain, dans l’autre cas – à un degré moindre – c’est le parlement qui devrait prochainement modifier la constitution pour réduire ses pouvoirs par rapport à l’exécutif – qui dispose pourtant déjà dans la constitution d’un net avantage.


On constate aussi dans ces deux système une tentative de musselage de la presse qui pour le président actuel consiste, entre autre, à la loi sur les « infox » ou encore avec la loi sur les lanceurs d’alertes. La première donne au pouvoir exécutif la possibilité de censurer des informations, la seconde permet de poursuivre les journalistes en cas de révélation.


Autre ressemblance, on retrouve dans ces deux systèmes un profond rejet de la démocratie. Si on reprend la définition de Paul Ricœur « est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage ». Or, avec Philippe Pétain et Emmanuel Macron, le peuple est considéré comme « un », sans intérêt divergent, sans clivage, « et de droite et de gauche ». L’intérêt de la nation doit se confondre avec l’intérêt individuel et toute remise en cause de l’ordre naturel est considéré une menace envers la patrie. Avec cette approche, l’opposition n’a plus de sens, car s’affronte le parti de la raison et de la vérité contre la parti des citoyens déraisonnables qui sont dans l’erreur par manque de connaissance ou par volonté d’activer des clivages censurés. Or, en niant les divergences inhérentes à toute société, Emmanuel Macron efface la réalité du pays et mène une politique libérale, favorable aux plus riches, sous couvert de défendre l’intérêt national.


Autre similitude, on retrouve le culte de la réussite dans ces deux systèmes. Ce paradigme permet aux pays où la société de classe a été abolie de continuer à justifier les inégalités sociales, non plus en fonction de la classe de naissance, mais sur la réussite personnel. Avec cette doctrine, les citoyens des classes laborieuses ne sont plus victimes d’un système d’exploitation, mais se retrouvent personnellement responsables de leur destin.

Autre ressemblance, ces deux systèmes sont des réactions aux avancées sociales issues de luttes populaires, jugées génératrices de clivage et responsables du déclassement de la France par ces deux idéologies. Dans le premier cas, c’est la politique du front populaire qui est décriée, dans le deuxième cas, ce sont les avancées sociales issues du conseil de la résistance et des trente glorieuses. Les communistes et les syndicalistes sont ainsi les premiers ennemis de ces systèmes, car ils contrarient la restauration de la « nation idéale, sans clivage ». Ainsi, la charte du travail de Vichy, qui dissout les syndicats et interdit le droit de grève, ressemble sur ces points à l’objectif de la loi travail de la république en marche. Dans les deux cas, une partie des élites adhèrent à ce discours et plébiscite son porteur, préférant sacrifier du social et de la démocratie dans l’espoir de conserver leur rang.


On trouve aussi dans les deux systèmes une très grande proximité avec les milieux patronaux, que De Gaulle sanctionnera à la libération par des nationalisations.

Enfin, terminons par cet extrait pour illustrer le rapprochement de ces deux personnages, qui ont aussi en commun de ne pas avoir eu d’enfants : « Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes, mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des « chances » données à tous les Français de prouver leur aptitude à « servir ». Seuls le travail et le talent redeviendront le fondement de la hiérarchie française. Aucun préjugé défavorable n’atteindra un Français du fait de ses origines sociales, à la seule condition qu’il s’intègre dans la France nouvelle et qu’il lui apporte un concours sans réserve. On ne peut faire disparaître la lutte des classes, fatale à la nation, qu’en faisant disparaître les causes qui ont formé ces classes et les ont dressées les unes contre les autres. Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire et qui constitueront les cadres nécessaires au développement du bien-être et de la dignité de tous. » Ce texte n’est pas issu d’un discours de campagne d’Emmanuel Macron, mais d’une déclaration du Maréchal Pétain le 11 octobre 1940, la notion de hiérarchie sociale étant présentée aujourd’hui par l’image « des premiers de cordée ».



Ainsi, on constate de nombreuses similitudes idéologiques entre le pétainisme et le macronisme. Il est bien sûr hors de question de mettre ces deux régimes sur un même plan, les atrocités commises par le régime de Vichy, n’ont bien sûr pas d’équivalent avec la présidence d’Emmanuel Macron. De même, ils s’opposent aussi sur certains points, principalement en raison des contextes historiques qui diffèrent, comme le provincialisme face au parisianisme ou encore l’économie corporatiste en opposition à l’économie libérale. Néanmoins, la prise de pouvoir par la technostructure, le rejet de la démocratie, l’anti-syndicalisme, l’autoritarisme, la régression des droits des travailleurs, le culte de la personnalité et le culte de la réussite permettent de créer une certaine filiation entre ces deux systèmes, le triptyque « travail, famille, patrie » étant remplacé aujourd’hui par « travail, efficacité, patrie ».