13/12/2020

http://mclams.free.fr


Pour sauver la démocratie française,

la loi sur la sécurité globale doit être retirée



Tous les députés RN et la quasi totalité des députés LREM (86 %) et LR (96%), ont donc voté la loi sur la « sécurité globale ». Ce vote, qui cisaille la démocratie française, illustre la grande méconnaissance des principes démocratiques de la part de ces députés.



Plusieurs institutions et ONG renommées combattent cette loi. Citons entre autres, la Ligue des Droits de l’Homme [1], le Défenseur des Droits [2], le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU [3], ou encore la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme [4]. Cette mobilisation soutenue par les partis de gauche et de nombreux journalistes a permis d’obliger le gouvernement à un premier recul. Mais pour sauver la démocratie il faudra plus, il faudra le retrait du texte. Il faut donc comprendre pourquoi ce texte fait vaciller la démocratie.

Le principe fondamental de la démocratie concerne la séparation des pouvoirs. Ce principe, énoncé en France par Montesquieu dans la lignée de John Locke, prend acte de la tentation naturelle des humains de profiter de leur pouvoir, et propose, pour équilibrer, de mettre en place des contre-pouvoir. En effet, quand on donne du pouvoir à un groupe de personne, on se retrouve complètement soumis à l’arbitraire de ce groupe, pour le meilleur et pour le pire. L’objectif de la démocratie et de mettre en place des contre-pouvoir pour éviter le pire.

Dans un État de droit, l’État a le monopole de la violence légitime. Pour rester en démocratie, il faut donc des contre-pouvoir aux forces de maintien de l’ordre, comme la liberté de filmer les policiers, l’identification des policiers, la possibilité des citoyens de porter plainte contre la police ou encore la garantie d’avoir une justice indépendante pour juger la police. Or, si ces contre-pouvoir disparaissent, les forces de l’ordre se retrouvent en capacité d’emprisonner n’importe qui. Il suffit de réaliser une fausse déposition et la parole d’un citoyen n’aura que peu de poids par rapport à la parole d’un représentant de l’État, comme pour ce producteur de musique qui ne doit sa liberté qu’aux caméras de vidéo surveillance pour démentir la déposition des policiers [5]. En éliminant les contre-pouvoir, via la loi sur la sécurité globale, les députés LR, LREM et RN donne le champ libre à l’arbitraire de la police.

Or, sa mission est déjà en train de changer. Dans une démocratie républicaine, le rôle de la police est de protéger la population, principalement en arrêtant les auteurs d’homicides, de violences, de vols et de trafics. Mais depuis quelques années, et encore plus avec la crise des gilets jaunes, la police républicaine a changé de rôle, elle protège moins souvent le peuple mais elle le bâillonne pour l’empêcher de manifester et de contester le pouvoir. Lentement mais sûrement, elle se rapproche d’une milice au service des puissants. Bien des policiers, engagés sincèrement pour faire ce métier, sont horrifiés par cette dérive. Mais il est difficile pour ces fonctionnaires d’en parler, car la démocratie s’est dégradée aussi à l’intérieur de cette institution républicaine.

Cette dérive doit être très largement attribuée à l’autisme et l’amateurisme du gouvernement. En refusant d’écouter les revendications des manifestants et d’ouvrir un processus de négociation, il a choisi le pourrissement et la répression. La police est ainsi devenue le dispositif central de la politique gouvernemental. Les forces de l’ordre ont bien négocié ce nouveau statut, en obtenant de très loin les plus importantes augmentations de salaires de tous les corps d’État. Mais, en contre partie, les policiers se sont coupés du peuple et ils ont abandonné en grande partie leur mission républicaine pour se focaliser sur le contrôle des manifestants.

Ainsi, en supprimant les contre-pouvoir de la police, les députés LR, LREM et RN mettent en place un cadre légal permettant de sortir de la démocratie. Ce n’est malheureusement pas la première fois que les représentants du peuple français s’écartent des valeurs démocratiques.

De façon encore plus radicale, le 10 juillet 1940 les députés sont invités à voter le projet de loi suivant :

« L’Assemblée nationale donne tous pouvoirs au Gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie. ».

569 parlementaires et sénateurs voteront pour, 80 voteront contre [6]. Parmi ces 80, 73 sont étiquetés à gauche. Les années qui suivront apporteront un démenti catégorique à ceux qui ont pensé bien faire en abandonnant les principes démocratiques.



La démocratie est fragile. En période trouble, les arguments des anti-démocrates séduisent plus de citoyens : lenteur des décisions, manque d’efficacité, manque d’autorité, défaite assurée face aux ennemis intérieurs et extérieurs. Mais il ne faut pas céder à ces sirènes et renoncer aux libertés. Les députés LR, RN et LREM ferraient bien de réviser leurs cours d’histoire.



[1] https://www.youtube.com/watch?v=IoYcYct2dfc&feature=youtu.be

[2] https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2020/11/proposition-de-loi-securite-globale-lalerte-de-la-defenseure-des-droits

[3] https://www.huffingtonpost.fr/entry/loi-securite-globale-la-france-rappelee-a-lordre-par-lonu_fr_5fb2afc1c5b6aad41f71c930

[4] https://www.cncdh.fr/fr/publications/avis-sur-la-proposition-de-loi-relative-la-securite-globale

[5] https://www.youtube.com/watch?v=W7ROH0-c3Bs&feature=youtu.be

[6] https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1991_num_38_4_1607