12/09/2017

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Nouvelle loi travail : encore plus de flexibilité, toujours pas de sécurité



Après un peu plus de deux mois de concertation avec les syndicats - ce qui faut quand même saluer, même s’il aurait été préférable d’avoir une véritable négociation - le gouvernement a dévoilé le contenu des ordonnances de la nouvelle loi travail. Pour découvrir la tonalité générale, il suffit de constater le contraste entre l’enthousiasme des syndicats patronaux et la déception des syndicats salariés. Il s’agit donc de décrypter les grandes lignes de cette réforme puis d’essayer d’anticiper quelles pourraient être les conséquences.


Le premier objectif de cette loi est de permettre aux employeurs de licencier plus facilement. De nombreux dispositifs vont dans ce sens.

  • Mise en place d’un plafond pour les indemnités prud’homales, (trois mois de salaires jusqu’à deux ans d’ancienneté, dix mois de salaires pour dix ans et maximum vingt mois de salaire à partir de trente ans d’ancienneté).

  • Diminution du plancher minimal pour les indemnités prud’homales :

    • Passage de six mois de salaire à trois mois minimum à partir de deux ans d’ancienneté

    • Limite à un mois de salaire en dessous de deux ans d’ancienneté (quinze jours pour les entreprises de moins de onze salariés)

  • Diminution du délai pour saisir les prud'hommes (passage de 24 à 12 mois)

  • Simplification de la procédure de licenciement avec un droit à l'erreur pour l’employeur.

  • Diminution du périmètre géographique pour valider les licenciements économiques (périmètre maintenant limité à la France).

  • Mise en place d’une rupture conventionnelle collective permettant de contourner la mise en place d’un PSE (Plan de Sauvegarde de l’emploi)

Un autre objectif de cette loi consiste à affaiblir les syndicats : ainsi pour les entreprises de moins de cinquante salariés il sera possible de signer des accords sans syndicats (ce qui génère un code du travail à deux vitesses), et pour toutes les entreprises l’employeur pourra convoquer des consultations, ouvertes à tous les salariés, pour contourner les syndicats.

Enfin, le dernier objectif majeur consiste à abandonner le caractère légal de certaines dispositions pour les adapter à la carte, selon les branches ou les entreprises. Ainsi le champ des négociations au niveau des entreprises est étendu (notamment pour les primes), et de nombreuses dispositions qui dépendaient de la loi passent désormais au niveau de la branche (CDI de chantier, période d’essais du CDI, durée des CDD et condition de renouvellement des CDD, ...).

Sinon, maigre consolation, l'indemnité légale de licenciement est augmentée (elle passe d’un cinquième du salaire mensuel par année d'ancienneté à un quart).



Ainsi, cette nouvelle loi travail, en supprimant les protections permettant de limiter les licenciements abusifs, en généralisant les contrats de travail « à la tâche » et en affaiblissant les syndicats, propose une véritable régression sociale. Et même si cette réforme est dans la continuité des évolutions des vingt dernières années, elle marque un tournant, et ce pour deux raisons.

D’abord, elle acte de faire supporter le poids des aléa économiques uniquement par les salariés. Si les périodes de baisse d'activité font parti du cycle économique normal, la charge de ces périodes délicates devrait être partagée entre les différents acteurs : employeurs, actionnaires, salariés. Or cette loi, en simplifiant considérablement les licenciements, décharge les entreprises de toute responsabilité sociale et transforme les salariés en amortisseurs de conjonctures économiques, dans le but de garantir les rendements des entreprises.

Ensuite, cette loi acte la mise en place d’un code du travail à plusieurs vitesses. Les personnes qui sont aujourd’hui en situation précaires voient leurs droits diminuer de façon plus importantes que celles qui bénéficient d’emplois un peu plus stables. Il en découle la création d’un « précariat », composé de 10 à 15 % des citoyens. Le calcul cynique de la classe dirigeante consiste à penser que ce groupe ne pourra pas générer d'instabilité politique car, d'une part, son poids électoral est trop faible et, d'autre part, la peur du déclassement des autres classes garantie son isolement politique. L’exemple Allemand, qui pratique ce système depuis deux décennies, conforte cette vision.


Il faut donc vraiment avoir peu de considération pour les salariés pour proposer une telle loi et il est légitime de s’interroger d’où vient ce mépris.


Ce comportement illustre l’état de dislocation de la société française, où les classes dominantes, aveuglées par leur système idéologique, sont désormais incapables de la moindre empathie pour la France d’en bas. Ainsi, en abandonnant toute éthique pour l’économisme, ces élites, rongées par l’égoïsme, la cupidité, et la peur de la mondialisation, ne perçoivent plus les citoyens que comme des moyens de production à placer en première ligne pour gagner quelques euro de plus.


Par ailleurs, les conséquences politiques de cette loi pourrait être catastrophique. En effet, cette réforme précarise aussi les emplois jusqu'ici plutôt préserver, qui deviennent ainsi bien moins protégé qu'en Allemagne. Or, avec un système hyper-flexible, l’avenir du pays devient plus chaotique. Car, contrairement à ce que l’on entend souvent, les salariés ne sont pas forcément en situation d’infériorité dans les négociations avec l’employeur. S’il y a de nombreux demandeurs d'emplois, effectivement les salariés se retrouvent en position de faiblesse, mais, si jamais il n’y a pas assez de demandeurs, ce sont les employeurs qui se retrouvent coincés. Ainsi, dans un marché complètement flexible, les intérêts des salariés et des employeurs divergent fortement : les employeurs vont chercher à augmenter la population active, via l’augmentation du départ de l’âge à la retraite, le renforcement du travail étudiant, l'augmentation de l’immigration économique, la mise en place de facilités pour délocaliser. De l’autre côté, les salariés vont chercher exactement l'inverse pour se protéger, ce qui devrait probablement se traduire politiquement par des montées populistes, similaires à ce que l'on connaît aujourd'hui aux États-Unis et au Royaume-Uni (stigmatisation des exclus, peur des immigrés, protectionnisme, ...).


Cette loi est donc extrêmement néfaste et il est vital de la combattre, ce qui pose la question des modalités d'actions.

Il faut d’abord utiliser les moyens traditionnels pour essayer de faire reculer le gouvernement. Mais il faut aussi voir plus loin et organiser une véritable résistance, en actant la volonté du patronat de se désengager de tout rôle social.

Dans cette perspective il s'agirait de mettre en place un site Internet où toutes les entreprises seraient référencées avec des données objectives (nombre de salariés, nombre de licenciements abusifs, primes, …), des notes attribuées par chaque syndicat sur différents critères (répartition des richesses, dialogue sociale, hygiène et sécurité, …) et des commentaires ouvert aux salariés avec possibilité de noter. L'idéal serait que ce site soit géré directement par les syndicats. Le but étant de créer un rapport de force, en jouant sur l'image de l'entreprise. On peut aussi imaginer la mise en place de campagnes de boycott pour les mauvais élèves, ou encore la création d'un label « entreprise social ».

Ensuite, il faut inciter les citoyens à s’orienter vers l’économie moins marchande, en soutenant par exemple les coopératives, à la fois sous l’angle du consommateur, de l’investisseur et du travailleur, ou encore en développant les systèmes monétaires alternatifs (monnaies libres).

Enfin il faudrait que la gauche se rassemble pour endiguer l’effondrement moral des classes dominantes, en élaborant une alternative politique à la mondialisation néolibérale autre que celle proposée par les nationalistes.



Avec ses nombreux reculs, cette nouvelle loi travail acte le renoncement des classes dominantes à protéger les salariés. Il est urgent de réagir contre cette alliance regroupant des haut-fonctionnaires et les représentants patronaux, avant que les ravages de cette réforme ne disloquent la société, déjà bien mal en point.