28/05/2012

http://mclams.free.fr


Comment la gauche pourrait répondre aux attentes des électeurs du front national


Si, comme semblent indiquait les sondages, le front national confirme aux élections législatives la tendance amorcée lors de l'élection présidentielle, un pôle puissant, situé à la droite de la droite, devrait s'installer durablement dans le paysage politique français. Ce serait une grave erreur de penser que la gauche profiterait de cette nouvelle configuration. En effet, quand une idéologie s'affaiblit, les politiques qui la portent finissent toujours par s'effondrer, même si certains mirages électoral, qui découlent du mode de scrutin, pourraient laisser penser le contraire. La gauche en a fait l'amère expérience en 2002. Il s'agit donc, au contraire, d'essayer de comprendre les électeurs du front national et de tenter d'analyser comment la gauche pourrait répondre à leurs attentes.


Malgré l'hétérogénéité de l'électorat du front national, il semble possible de dégager cinq préoccupations majeures, issues des différentes thématiques abordées par ce parti.


Le premier volet porte sur une demande sociale. Elle concerne le combat contre le chômage, la précarité, les difficultés d'accès aux logements et les délocalisations. La gauche se trouve naturellement assez bien armée pour répondre à ces préoccupations, même si l'attitude à adopter face à la mondialisation reste un sujet de discorde. Elle devrait donc pouvoir apporter des réponses à ces attentes.


Néanmoins, si le volet social demeure important, il sera insuffisant pour amorcer un vrai recul du front national. Il s'agit donc de répondre aussi aux autres préoccupations, qui ne sont pas des sujets de prédilections de la gauche, à savoir l'insécurité, l'immigration, l'islam et l'anti-élitisme.


Le volet insécurité devrait pouvoir être aborder sans trop de difficulté. La possibilité de pouvoir vivre en sécurité reste un pilier de l'idéologie républicaine, défendu par tous les partis républicains. De plus, la gauche se trouve déjà confrontée à cette problématique dans sa gestion quotidienne des grandes villes du pays, même si ses réponses sont plurielles et si elle est moins encline à attiser les instincts grégaires et à céder face à l'émotion des faits divers. Ainsi, en faisant de la pédagogie et en améliorant la situation sur le terrain, la gauche devrait pouvoir répondre aux attentes d'une partie des électeurs du front national.

Le volet « immigration » porte en fait mal son nom. Les reproches adressés par les partisans du front national portent en effet autant sur les immigrés que sur les citoyens français, nés en France, mais d'origine africaine. Une première réponse pourrait venir de la lutte contre l'immigration clandestine, la lutte contre le travail au noir et la limitation de l'immigration économique aux seuls secteurs fortement en déficit de main d'œuvre.

Ensuite, il s'agit de repenser le modèle d'intégration. Le rejet des français de couleur traduit en fait un échec d'intégration. C'est certainement la première fois dans l'histoire de la France que des petits enfants d'immigrés se retrouvent si mal perçus par la population. Certains diront que cette vision ne concerne que 20 % de la population, néanmoins, il faut garder à l'esprit que ce discours porte bien au-delà du front national.

Pour répondre à ces attentes, la gauche doit proposer un renouveau de l'intégration républicaine. Ce renouveau doit d'abord se traduire dans les discours, en faisant de la pédagogie, en expliquant qu'être Français n'est pas une question de couleur de peau. Ensuite, il s'agit de se lancer dans un vaste plan de mixité sociale. Cette mixité ne doit pas se limiter à des zones dans les communes, mais chaque nouvel aménagement, chaque immeuble nouvellement construit, doit proposer la mixité sociale. Cette mixité se traduira naturellement par une mixité dans les écoles et les collèges où les enseignant veilleront au bon déroulement du « vivre ensemble ». En suivant cette stratégie on devrait assister à une diminution des préjugés raciaux.

Le volet « islam » est tout aussi complexe. Comment intégrer l'islam dans la république sans que cette religion se sente menacée et stigmatisée ? La réponse de la gauche à ce dilemme doit s'orienter sur un renouveau de la laïcité, qui doit dépasser certaines contradictions actuelles. Ainsi, il s'agit de créer un socle minimal du « vivre ensemble républicain », qui devra être suffisamment large et peu contraignant pour que plus de 98 % de la population puisse y adhérer sans hésitations. Ce socle sera enseigné à l'école, et il faudra expliquer qu'il se situe au-dessus de toute secte ou religion. Dans cette optique, tout prêche devrait se terminer par une phrase type, indiquant la prévalence de ce socle. Par ailleurs, afin de lutter contre le communautarisme, il faudrait renforcer l'œcuménisme notamment en lançant un moratoire sur la fin des écoles confessionnelles et sur le partage des édifices religieux, financés par la puissance publique, entre les différentes religions.


Enfin, le dernier volet concerne l'« anti-élitisme ». Une première réponse consisterait à renforcer la rigueur de conduite des élus. Les premières décisions du gouvernement sont d'ailleurs un symbole fort qui va dans ce sens. Il s'agit ensuite de renforcer la décentralisation du pays. En donnant plus de pouvoir aux élus locaux, les citoyens devraient se sentir mieux entendus. De même, une loi sur le non-cumul des mandats, à la fois dans la durée (trois mandats exécutifs maximum) et sur le moment (un seul mandat à la fois) pourrait diminuer la défiance entre citoyens et élus. Enfin, le renforcement des corps intermédiaires, en légitimité, en crédibilité et en visibilité dans les média, pourrait aussi permettre de diminuer l'anti-élitisme.


Il est important que la gauche apporte ses réponses aux problèmes soulevés par les électeurs du front national. Abandonner ces citoyens, en pensant que le front national finira par s'affaiblir naturellement, est extrêmement dangereux, pour la gauche et pour la démocratie. En ces temps troublés, mieux vaut limiter les risques d'apparition de nouvelles fractures imprévisibles.