07/03/2017

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Être Français, ça veut dire quoi ?


Les débats sur l’identité française sont toujours assez sensibles et passionnés. Ce n’est bien sûr pas une raison pour les esquiver, en particulier dans les périodes d’instabilités, où les poussées communautaires et nationalistes prolifèrent. Ainsi, afin de bénéficier de solides fondations pour affronter le monde actuel, quel dénominateur commun, où tout le monde pourrait se retrouver et qui garantirait le « vivre ensemble », faudrait-il adopter ?


Pour partir dans la bonne direction, la recherche d’un dénominateur commun doit être réalisée dans le cadre de la République laïque. La définition de la laïcité, énoncée après la guerre par André Philip, est éclairante sur ce sujet : « le cadre laïc se donne les moyens de faire coexister sur un même territoire des individus qui ne partagent pas les mêmes convictions, au lieu de les juxtaposer en une mosaïque de communautés fermées sur elles-mêmes et mutuellement exclusives » [1].

Dans cette perspective, nous proposons ici une première version de charte, pour alimenter le débat, afin d’essayer de trouver un socle minimal permettant le « vivre ensemble ».


I. Liberté

I.1 Accepter que les autres citoyens, en particulier les membres de sa famille, puissent penser, s'exprimer, croire, librement, donc potentiellement différemment, sachant qu'ils sont eux-même soumis à ce même article [2].

I.2 Accepter les principes de la démocratie, en particulier reconnaître que la société est divisée par des contradictions d’intérêts et accepter d’associer les citoyens à parts égales pour arbitrer ces contradictions [3].


II. Égalité

II.1 Refuser toute augmentation ou diminution de droits sur des critères administratifs, mystiques, idéologiques, religieux ou physiques [4].

II.2 Accepter la neutralité de l’État pour les croyances.

II.3 Accepter que l’accès à la nationalité ne peut dépendre d’un quelconque critère mystique, idéologique, religieux ou physique mais est guidée par trois principes : une parenté avec un Français, une présence légale prolongée sur le territoire et la naissance sur le territoire [5].


III. Fraternité

III.1 Accepter de travailler et de collaborer dans la vie associative et professionnelle avec des citoyens qui pensent et croient différemment (mais soumis aux mêmes articles).

III.2 Accepter de vivre avec un voisinage comprenant des citoyens qui pensent et croient différemment (mais soumis aux mêmes articles).

III.3 Accepter les mécanismes de solidarité entre citoyens pour que chacun puisse vivre dignement.

III.4 Refuser d’altérer l’intégrité physique et psychique des autres citoyens (mais soumis aux mêmes articles).

III.5 Accepter d’avoir une langue commune, le français, connue de tous, permettant de communiquer entre citoyens et avec l’État sans intermédiaire.


IV. République

IV.1 Accepter que le contenu de l’enseignement scolaire soit issu d’un processus rationnel, scientifique, qui ne cache pas les limites de la connaissance, et non pas issu d’une mystique, d’une révélation ou d’un dogme.

IV.2 Accepter la rationalité de la République, c’est à dire reconnaître que les lois sont définies via un processus rationnel et démocratique et non pas basées sur des croyances ou une mystique.

IV.3 Accepter que la justice ne soit pas rendu à titre personnel mais par une institution qui applique la loi en respectant la hiérarchie des normes [6].

IV.4 Accepter que les valeurs présentées ci-dessus soient appliquées et enseignées à tous les enfants et exiger que tous les responsables politiques et religieux s’engagent publiquement à les respecter.



Notes

[1] Régis Debray – « Réalités religieuses (5/5) : Que faut-il entendre par laïcité ? » France Culture 15/07/2016


[2] « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » E.B. Hall


[3] « Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage » Paul Ricoeur


[4] Très rares limitations par rapport aux troubles mentaux :

Le droit à la participation politique des personnes souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapées mentales / European Union Agency For Fundamental Rights


Article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)

(1) Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis. (...)

(3) La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.


Article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966)

Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables:

(a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis;

(b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs; (…)


Par l’interprétation de cet article, le CDH a reconnu que des limitations au droit de vote son acceptables. Néanmoins, les conditions relatives à l’exercice de ces droits « devraient se fonder sur des critères objectifs et raisonnables ». Par exemple, pour le Comité, une condition d’âge plus élevé pour être élu à certains postes pourrait être considérée comme une limitation légitime. Cependant, « tout citoyen doit jouir de ces droits sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »


[5] Rappel sur l'acquisition de la nationalité française

Un enfant (qu'il soit né en France ou à l'étranger) est Français de naissance, c'est-à-dire par filiation, si au moins l'un de ses parents est Français.

Un enfant né en France est français de naissance seulement s'il se trouve dans l'un des cas suivants :

  • au moins l'un de ses parents (quelle que soit sa nationalité) est né en France ;

  • au moins l'un de ses parents est français au moment de sa naissance ;

  • au moins l'un de ses parents est né en Algérie avant le 3 juillet 1962.

Tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à ses 18 ans si, à cette date :

  • il réside en France,

  • et s'il a eu sa résidence effective et habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins 5 ans, depuis l'âge de 11 ans .


La naturalisation est un mode d’acquisition de la nationalité française qui n'est pas automatique. Pour en bénéficier, il faut répondre à des conditions liées à la régularité du séjour en France, à l’intégration dans la communauté française et à l'absence de condamnations pénales.


[6] Le respect de la hiérarchie des normes

L’existence d’une hiérarchie des normes constitue l’une des plus importantes garanties de l’État de droit. Dans ce cadre, les compétences des différents organes de l’État sont précisément définies et les normes qu’ils édictent ne sont valables qu’à condition de respecter l’ensemble des normes de droit supérieures. Au sommet de cet ensemble pyramidal figure la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A la base de la pyramide figurent les décisions administratives ou les conventions entre personnes de droit privé.