31/05/2013

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Après trois années de crise, la zone Euro tient toujours




Après plus de trois années de crise dans la zone Euro, aucun pays n'a encore quitté la monnaie unique, les électeurs des pays les plus touchés ayant toujours reconduit au pouvoir des partis en faveur du maintien dans la zone - déjouant ainsi les nombreux pronostiques d'éclatement. Comment peut-t-on expliquer cette solidité apparente de la zone Euro ?


La crise de l'Euro a démarré en 2010. D'abord limitée à la Grèce, elle s'est ensuite propagée à l'Irlande, au Portugal, à l'Espagne, à l'Italie et plus récemment à Chypre. Les chiffres témoignent de l'ampleur du naufrage économique. Ainsi, le PIB grec a baissé de plus de 20 % depuis 2009. Et si le recul des autres pays demeure plus faible, ils ont quand même été fortement impactés par la récession, et les perspectives pour les années à venir demeurent sombres, en particulier pour le chômage. D'autres pays, comme la France, ont été moins touchés, mais la situation économique reste critique et les perspectives sont tout aussi sombres.




Dans ce contexte de chômage de masse et de récession, une solution qui consisterait à sortir de la zone Euro pour réaliser une dévaluation compétitive paraît aussi sensée qu'une solution de dévaluation interne, comme proposée par la commission européenne. Or, cette possibilité n'a jamais été à l'agenda des partis de gouvernement et même si dans les urnes les partis anti-Euro ont progressé, ils sont encore loin de représenter une majorité. On aurait pu imaginer que les citoyens, lassés par la durée considérable de la crise, finiraient par reconsidérer la question, mais, pour le moment, la question de la sortie de l'Euro ne se pose pas. Comment expliquer le manque d'intérêt pour cette alternative ?

Pour tenter de trouver une explication, il faut d'abord bien cerner l'impact de la force d'une monnaie sur les différentes catégories de la population. En simplifiant beaucoup, une monnaie forte permet d'acheter les produits extérieurs moins chers, préserve l'épargne en limitant l'inflation, oriente l'économie vers des produits à forte valeur ajoutée et incite les entreprises à délocaliser pour trouver une main d’œuvre meilleur marché. Inversement, une monnaie faible augmente les coûts d'importation, ronge l'épargne, conserve les entreprises à faible valeur ajoutée et permet d'éviter les délocalisations d'entreprise.

En raisonnant par catégorie socioprofessionnelle, on constate que les citoyens qui possèdent un emploi relativement sûr, les retraités (tant que les pensions ne sont pas baissées) et les étudiants (avant qu'ils intègrent le marché du travail) ont intérêt à bénéficier d'une monnaie forte, car leur pouvoir d'achat se retrouve augmenté et leur épargne protégée. Inversement, les chômeurs, les personnes peu qualifiées et les travailleurs précaires ont plutôt intérêt à bénéficier d'une monnaie faible, afin d'augmenter leur chance de retrouver un emploi stable. Or, même dans les pays extrêmement touchés par le chômage, comme par exemple l'Espagne, il reste plus de 70 % de la population active qui travaille, soit une large majorité. De plus, comme les précaires et les chômeurs ont tendance à se réfugier dans l'abstention, et, à l'inverse, les retraités participent massivement aux différents scrutins, l'immense majorité du corps électoral a intérêt à conserver une monnaie forte. Ainsi, même si tous les électeurs ne suivent pas forcément leur intérêt personnel, la tendance de fond reste inchangée, et l'attachement d'une large majorité de citoyens à l'Euro trouve très probablement ici sa principale explication.


Néanmoins, la perspective d'éclatement de la zone Euro est-elle pour autant écartée ? Que se passe-t-il si on applique le même raisonnement aux états de la zone Euro qui se portent bien, comme par exemple l'Allemagne ?

Ainsi, si l'Allemagne sortait de la zone Euro, sa nouvelle monnaie serait réévaluée, et, étant donné le faible taux de chômage de ce pays, une très grande partie de la population pourrait bénéficier d'un gain de pouvoir d'achat (même si, dans un second temps, les entreprises recommenceraient à délocaliser). Jusqu'à présent, tant que le pays était peu impacté par la crise, la question d'une sortie de l'Euro ne se posait pas. Néanmoins, si jamais l'Allemagne se retrouvait plus fortement impactée par la crise, notamment à cause de l'effondrement de la demande Européenne, la question pourrait être posée. C'est sous cet angle qu'il faut comprendre l'apparition d'un parti non extrémiste proposant la sortie de l'Euro pour l'Allemagne (parti « Alternative für Deutschland »).


Les différents effets induits par une monnaie forte sur les citoyens semblent apporter une bonne explication au maintient des pays en difficulté dans la zone Euro. Par extrapolation, si jamais un éclatement devait arriver, il est plus probable qu'il provienne des pays bien portants plutôt que des pays malades.